Viande de cheval Divorce prononcé entre Lur Berri (Spanghero) et sa base
Édouard Exilard, 45 ans, éleveur de brebis et de vaches, adhérent de Lur Berri, maison-mère de Spanghero, ne décolère pas : comme d'autres au sein de la coopérative agricole, il dénonce la stratégie « financière » d'un groupe qui, selon lui, a perdu sa vocation solidaire.
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Lur Berri est l'un des trois grands groupes agro-alimentaires du sud-ouest. Il emploie 543 salariés et affiche en 2012 un chiffre d'affaires de 1,12 milliard d'euros, en doublement par rapport à 2009. (© Terre-net Média) |
Après le rachat en 2009 de Spanghero (production de plats cuisinés) puis de Labeyrie Fine Foods (traiteur et épicerie fine) en 2010 (prise de participation de 62,9 %), Lur Berri est l'un des trois grands groupes agro-alimentaires du sud-ouest, emploie 543 salariés et affiche en 2012 un chiffre d'affaires de 1,12 milliard d'euros, en doublement par rapport à 2009.
Une stratégie construite « sur le long terme », assure à l'Afp son directeur Olivier Gemin : « l'objectif était de suivre l'évolution de la demande des consommateurs (...) pour créer de la valeur ajoutée pour nos propres adhérents ».
Mais, à l'autre bout de la chaîne, Édouard Exilard ne l'entend pas ainsi. Lui, qui est installé dans le village basque de Lohitzun (Pyrénées-Atlantiques) et dont le grand-père puis le père ont été adhérents de Lur Berri, avoue ne pas comprendre « la stratégie actuelle ». « Les bénéfices sont utilisés à la prise de participation dans des SA tous azimuts, bien loin de notre coeur de métier. La coopérative délaisse nos outils de travail. Dans les années 2000, nous possédions un abattoir à Saint-Palais, proche de nos exploitations. Lur Berri l'a laissé dépérir jusqu'à le supprimer. 360 adhérents ovins, sauf un, étaient contre ».
« La base n'est plus écoutée »
« Une coopérative est faite par et pour les agriculteurs. Aujourd'hui, le système est complètement fou. Lur Berri achète et commercialise de la viande provenant de toute l'Europe, à bas prix et tire les prix vers le bas », se lamente-t-il : « la base n'est plus écoutée ». Pampi Sainte-Marie, ex-adhérent, partage son avis. Lui a quitté la coopérative pour « une très belle filière, courte, de qualité, bien loin de la finance et des traders ». Et ensemble ils prévoient d'autres départs, nombreux.
Après le scandale sur la viande de cheval vendue par Spanghero et présentée comme du "minerai" de boeuf, « nous avons découvert ce transit incroyable et inexplicable de ce minerai (...) alors que Lur Berri avait les moyens avec notre production du sud-ouest, de proximité, de relancer Spanghero », s'insurge Dominique Etchepareborde, secrétaire du CE. « Ces opérations sont faites uniquement dans un but financier », dit-il avant de dénoncer un climat social « déplorable », « des salaires très bas et de multiples contentieux ».
Mattin Lamarque, délégué syndical Cfdt, dénonce lui le rachat de cette société en faillite en 2009, contre l'avis du CE, dans « l'opacité ». Lundi, ils étaient 70 à manifester devant le siège à l'appel du syndicat agricole basque Elb, avec une banderole : « Coopérative Lur Berri, s'entraider sans trader ». Face au scandale, le président Sauveur Urrutiager, est resté silencieux.
A l'Afp, s'exprimant pour la première fois, il assure ne pas avoir oublié « notre mission essentielle », « la fonction coopérative » : « nos bénéfices servent à mettre en place des programmes de production pour les agriculteurs, complétés par une assistance en matière de formation, et sous forme technique et financière ». Mais sur Spanghero pas un mot, ou presque : « une enquête interne et une enquête administrative sont en cours. En France nous avons une traçabilité excellente. Il faudrait qu'au niveau européen elle soit équivalente ».
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